En 2012 – Mobiliser les décideurs sénégalais sur les financements innovants
Pourquoi mobiliser des financements additionnels pour le climat? Depuis plus d’une décennie, on constate que le changement climatique représente une contrainte supplémentaire pour le développement. Et cette vulnérabilité ne cesse de croître. Les populations pauvres des pays  vulnérables, qui luttent, depuis de longues années déjà contre la pauvreté sont maintenant soumises aux effets du phénomène des changements climatiques, accentuant les problèmes existants de développement, ainsi que le coût de l’éradication de la pauvreté. Or, on constate que l’Aide Publique au Développement décroît. Dans tous les cas, les volumes promis seront insuffisants pour répondre à la double contrainte climat et pauvreté. Il y a donc un besoin de mobiliser des financements additionnels au plus vite pour permettre aux populations les plus démunies de faire face à cette double contrainte.
Des financements climat insuffisants face à des besoins urgents. Malheureusement, l’année 2012 sera marquée par la clôture des financements précoces. L’engagement de décaisser 30 milliards US$ entre 2010 et 2012 prendra fin sans avoir atteint ses objectifs et sans perspective pour 2013 et au-delà . En attendant, l’engagement de mobiliser 100 milliards d’ici à 2020 reste très vague et le Fonds Vert pourrait rester une coquille vide d’ici là , malgré les besoins urgents exprimés par les pays les plus pauvres. Il convient de rappeler ici que le changement climatique représente une atteinte aux droits de l’homme et au droit de se développer. Il revient aux pollueurs de payer pour réparer leur dette environnementale et climatique. La vulnérabilité croissante de l’Afrique – et pour laquelle elle n’est pas responsable – est un argument solide et convaincant pour réclamer et gagner une juste réparation des dommages causés et aider à relever le défi de son développement.
Mobiliser des financements additionnels et innovants. L’Afrique doit trouver les voies et moyens les plus pertinents et militants pour amener les pays développés à dégager des ressources nouvelles et croissantes, pour soutenir les efforts de développement et la lutte contre les changements climatiques. Dans le contexte actuel de crise éco, il apparaît important de ne pas répéter les erreurs de l’APD et chercher des solutions innovantes de financements – innovantes parce que additionnelles, pérennes, substantielles. Par exemple : la redirection des subventions actuellement allouées aux énergies fossiles, la taxation des transactions financières et la taxation équitable du transport international.
Cette année, l’agenda international est bien fourni en opportunités politiques pour avancer sur la création de ces mécanismes. On y retrouve le G20 et Rio+20 en juin, les deux ateliers sur les financements prévus par la CCNUCC à Bonn (Juillet) et Cape Town (Octobre), les négociations climat à Bangkok (août) et Doha (décembre), la session « changement climatique » de la CMAE en septembre, le sommet de la Francophonie en octobre, les suites du G20 Finance en novembre, et la COP18 en décembre, etc.
Mais en l’absence d’une mobilisation des décideurs, ONG, médias des pays récipiendaires, ces mécanismes innovants risquent de ne jamais voir le jour, ou alors, de financer le retour à l’équilibre budgétaire des Etats riches, ou pire, d’être profondément inéquitables. C’est pourquoi il est essentiel que les gouvernements africains se saisissent de ces nombreuses opportunités politiques, et pressent les pays développés afin d’accélérer les négociations sur la création de nouveaux mécanismes financiers et publics. Atteindre un tel résultat nécessite qu’ils  se mobilisent et se fassent entendre sur la scène internationale pour que la question des financements climats devienne une réalité incontournable.
La société civile du nord et du sud fortement engagée en faveur des financements innovants. Huit ONG du Réseau se sont engagées ensemble en France (Réseau Action Climat-France et Fondation Nicolas Hulot), au Mali (AMADE-PELCODE), au Sénégal (ENDA Energie), au Benin et au Togo (AFHON et Jeunes Volontaires de l’Environnement), et au Tchad (AFPAT) pour informer, sensibiliser et mobiliser la société civile et les décideurs francophones en matière de financements innovants – publics et additionnels – pour lutter contre le changement climatique.
Pourquoi mobiliser le Sénégal?
Une forte vulnérabilité climatique. Selon un rapport sur l’état de l’environnement du Sénégal, élaboré en 2005 par le Centre de Suivi Ecologique (CSE) et le ministère de l’environnement et de la protection de la nature, l’ensemble de ces systèmes écologiques et humains sénégalais sont menacés. Les experts constatent une baisse de la pluviométrie annuelle accompagnée d’une hausse d’environ 1,2% des températures saisonnières moyennes; la salinisation des ressources en eau douce; un phénomène désertification qui ne cesse de s’étendre; la perte des ressources halieutiques ; la dégradation des terres arables et des pâturages ; l’érosion des zones côtières ; la fragilité de la biodiversité ; la multiplication des périodes de sécheresse et la recrudescence des inondations.
Selon les spécialistes, la production agricole, fortement tributaire des cycles de pluie, sera affectée et menacera la sécurité alimentaire dans tous le pays. Des années 70 à nos jours la contribution du secteur agricole au produit intérieur brut (PIB) est déjà passé de 30% à environ 9%. Une situation essentiellement due à la baisse de la pluviométrie, à la dégradation des sols et à la destruction du couvert végétal entre autres. Au cours de la même période, les apports pluviométriques sont passés de 176 milliards de m3 avant 1970 à 132 milliards de m3. Ce qui représente une perte d’environ ¼ des volumes d’eau précipités. La dégradation des terres, sous l’effet des érosions éolienne et hydrique et de la salinisation, devrait s’accentuer dans les années à venir. Au milieu des années 80, environ 65% des terres du Sénégal étaient déjà dégradées, soit 12 710 200 hectares sur les 19 455 500. Des chiffres qui en disent long sur l’ampleur des menaces qui pèsent sur la sécurité alimentaire du pays. Dans les années à venir, l’accès à l’eau risque également de constituer un grand défi. Une situation qui risque d’empirer sous l’effet du réchauffement climatique.
Les 700 Km de côte que compte le Sénégal vont, sous l’effet des changements climatiques, subir de profondes mutations et indirectement, affecter près de 75% de la population du Sénégal. Selon les projections faites par le Centre de Suivi Ecologique, le niveau de la mer devrait connaître une élévation de 50 cm à 1m en moyenne d’ici 2100. Une situation qui entrainera la disparition de 55 à 86 Km2 de plages du fait de l’aggravation des phénomènes d’érosion côtière.
Les coûts de l’adaptation au changement climatique. Au Sénégal comme dans plusieurs autres pays en développement, les coûts de l’adaptation sont estimés à plusieurs millions de dollars US. Dans le plan d’adaptation soumis au secrétariat de la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC), le gouvernement sénégalais estime le coût approximatif de l’adaptation au Sénégal aux environs de 1800 milliards de FCFA sur 5 ans selon le Plan d’Action National sur l’Adaptation (2006).
Engagement fort dans la lutte internationale contre les changements climatiques. Le Sénégal a ratifié la Convention Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques en juin 1994 et le protocole de Kyoto en juillet 2001. Suite à cette ratification, un Comité National de suivi sur les changements climatiques a été mis en Å“uvre en 1994, pour l’application effective des objectifs de la convention. L’intérêt de cet engagement vient, entre autre, du fait que des études ont montrés que les pays les moins avancés – en raison de leur niveau faible de développement – ont et auront des difficultés techniques et financières pour faire face à ces variations climatiques et à leurs impacts.
Faire face aux impacts des changements climatiques demande la mise en place d’actions d’adaptation et d’atténuation concrètes. Dans ce cadre le gouvernement du Sénégal a mis en place, avec l’appui de ses partenaires internationaux, le Plan d’Action National d’Adaptation (PANA), et la mise en place d’un Fonds d’Adaptation. Plusieurs projets ont été mises en place pour une meilleure adaptation et ou atténuation en vue également de l’atteinte des OMD : dans le domaine de la lutte contre la désertification, la gestion des zones côtières, la conservation de la biodiversité entre autres. La stratégie d’intervention consiste à mettre en place un cadre de concertation à tous les niveaux pour permettre aux différents acteurs concernés de s’impliquer.
Des financements encore insuffisants pour le climat. Au regard des besoins financiers estimés en milliards de dollar par an pour une adaptation réussie, le budget de l’Etat du Sénégal se chiffre à seulement 1800 milliards de FCFA. Il est quasi impossible pour le gouvernement de financer des projets sur les changements climatiques. En effet, le budget alloué à l’environnement et la contribution des bailleurs ne couvrent pas les flux financiers nécessaires chiffrés dans le Plan National d’Adaptation publié par le Sénégal dans le cadre de la CCNUCC pour chaque action de gestion de l’eau, de reboisement, de protection de la mangrove, etc.
Certes, entre 2001 et 2008 l’aide publique au développement (APD) à destination du Sénégal est passée de 90 à 339 millions d’euros. Rapporté au PIB, le montant de l’APD atteint 11%. Pour les seuls prêts, l’AFD déclare investir 25 millions d’euros. En revanche, la part des subventions qu’elle verse directement aux projets de développement est en baisse.
Depuis 2000, le Sénégal a entrepris plusieurs réformes dans l’optique d’une optimisation de ses capacités de mobilisation de ressources provenant de l’APD. Parmi ces différentes réformes, nous pouvons retenir l’élaboration et la mise en œuvre du document sur la stratégie de réduction de la pauvreté, des réformes budgétaires et du plan d’action pour la mise en œuvre de la déclaration de Paris.  Mais l’APD est une source de financement trop volatile pour permettre au Sénégal d’investir dans des projets et programmes dans la durée. Les montants d’une année sur l’autre sont trop incertains et leur affectation est encore trop liée aux priorités des bailleurs. En outre, l’APD versée au Sénégal permet avant tout de mettre en place des projets de développement traditionnels, mais reste insuffisante pour financer le surcoût de l’adaptation au changement climatique. Surtout que les projets d’adaptation représentent un coût net, difficilement finançable par des prêts.
Le Sénégal, puissance régionale et portuaire, peut jouer un rôle clé dans la position africaine à ce sujet. En tant que puissance régionale et fer de lance de la lutte contre le changement climatique en Afrique, le Sénégal a un grand rôle à jouer pour soutenir la création des mécanismes de financements innovants. Ce rôle peut se décliner à plusieurs niveaux :
Au niveau national, la société civile peut user de son rôle d’alerte pour sensibiliser davantage les décideurs sur les questions de financement et des opportunités qu’ils peuvent offrir surtout dans le cadre de l’adaptation aux changements climatiques.
Au niveau régional et sous régional le Sénégal pourrait amener les autre pays à réfléchir et s’engager pour la mise en place d’un mécanisme de financement innovant à même d’alimenter le fonds vert pour financer l’adaptation aux changements climatiques dans nos pays très vulnérables. Au plan international, le Sénégal devrait s’engager en faveur de la taxation sur le fret maritime et saisir les tribunes internationales pour souligner l’importance des financements innovants.
Aller plus loin
Pour en savoir plus sur les financements innovants, visitez notre page sur l’urgence de financer la lutte contre les changements climatiques
Pour lire notre Etude Afrique et financements innovants
Pour en savoir plus sur des campagnes similaires au Mali et au Togo