Retour d’Addis : les financements climat, un réel problème sur la route de la COP21

Les rideaux sont tombés sur les travaux de la troisième conférence sur le financement du développement, avec à la clé un accord arraché au forceps afin de permettre au pays hôte, l’un des plus peuplés d’Afrique et moins avancés du monde, l’Éthiopie, de sauver l’honneur.

Avant le départ pour Addis Abeba, le RC&D écrivait dans sa Note de position pour Addis qu’à la lecture du texte de négociations, il était clair que l’articulation entre financement climat et financement du développement n’était ni claire ni rassurante pour l’avenir des financements pour le climat. Nous y notions également que cet accord d’Addis pourrait avoir des répercussions positives ou négatives sur la conclusion d’un accord à Paris en décembre prochain lors de la COP21.

La  troisième Conférence internationale sur le financement du développement, qui s’est tenue en Éthiopie du 13 au 16 juillet 2015, s’est contentée d’intégrer la question climatique dans le développement, aller  au-delà des promesses déjà faites par les pays développés.

photo addis

 

 

 

 

Quels sont les résultats au regard du document de l’accord ?

Les fournisseurs de l’Aide Publique au Développement (APD) réaffirment leur volonté d’atteindre l’objectif de 0,7% du ratio APD/Revenu National Brut (RNB) et l’objectif de 0,15 à 0,20%  pour ce même ratio au compte de l’aide aux pays les moins avancés.

L’Union Européenne s’engage à s’acquitter collectivement de cette promesse faite à Monterrey il y a maintenant 13 ans dans le délai afférent au programme de développement post 2015. De sources informelles nous aurons appris que la Commission Européenne formule la volonté d’atteindre cet objectif d’ici 2030 et de consacrer 20% de cet objectif à la lutte contre les changements climatiques.

De la même manière, l’accord se contente de réaffirmer l’engagement pris en 2009 à Copenhague par les pays développés de mobiliser conjointement 100 milliards de dollars par an d’ici 2020, pour aider les pays en développement à faire face aux impacts négatifs des changements climatiques. Or les pays en développement ont besoin d’une feuille de route claire et crédible avant la COP21 sur cet engagement. L’occasion était donnée à travers cette conférence d’Addis d’avancer sur la question, de même que les engagements chiffrés post 2020 qui ne sauraient se confondre avec les dispositions prises au titre de l’Aide Publique au développement. Ce débat était aussi nécessaire à entamer à Addis car on n’attend pas la vieillesse d’un habit pour le changer à moins que de vouloir marcher nu.

Or, le texte de l’accord ne fait nulle mention de l’additionnalité des financements publics pour le climat par rapport aux financements pour le développement. En effet, les enjeux du développement et ceux du changement climatique s’additionnent et représentent un surcoût plus important que celui estimé à l’époque de l’adoption de l’objectif de dépenser 0,7% du RNB des pays développés pour les pays en développement. Il n’est donc pas admissible que le même euro soit à la fois étiqueté « APD » et « climat », et que les financements consentis pour le climat se fassent au détriment de ceux réalisés pour d’autres enjeux clé du développement, comme la santé ou l’éducation.

Les pays développés rechignent à accepter l’additionnalité des financements climat par rapport à l’Aide Publique au Développement et ne respectent pas leurs engagements financiers parce qu’ils invoquent la crise économique et financière. Recourir à des sources complémentaires et prévisibles de financements publics pour un développement sobre en carbone et résilient au changement climatique est possible et serait de nature à répondre efficacement à cette fuite de responsabilité.

La preuve, la conférence reconnait les efforts déployés depuis Monterrey par le Groupe Pilote sur les Financements Innovants pour le développement pour avoir développé et mobilisé le soutien aux sources et mécanismes innovants de financements supplémentaires. D’autres parts des études techniques de faisabilité commises par le G7 et produites par l’AGF publiée en 2010 ou encore, celle du FMI publiée en 2011 ont déjà identifié de nombreuses options : taxer le transport maritime et aérien, taxer les transactions financières en Europe, etc.  Il est plus que jamais nécessaire de songer avec réelles volonté et ambition de lutte contre les changements climatiques à créer ces mécanismes financiers permettant de générer des recettes publiques, automatiques et prévisibles pour garantir l’atteinte des engagements pris.

La conférence encourage des études sur «  d’autres  mécanismes innovants reposants sur des modèles qui combinent les ressources publiques et privées telles que les obligations vertes, les obligations de vaccination les prest triangulaires et les mécanismes à l’incitation et les mécanismes de tarification du carbone »

La logique que le RC&D soutenait à travers sa position de plaidoyer à savoir  « quelle articulation entre financement climat et développement et quels engagements » tendait à asseoir un débat  constructif et militant, qui aurait pu baliser le terrain d’ici la COP21. Nous n’avancerons pas un jugement fataliste, mais nous restons préoccupés par ce manque d’attention avérée au sujet. Nous ne ferons pas de cette préoccupation une raison d’abdication, car la cause est juste et noble, mais nous notons avec force détails la justesse du problème du manque de confiance en ce que nous savons et pouvons faire,  qu’après tant d’années de participation à ces négociations alambiquées  qui du reste sont faites avec la complicité énorme de nos gouvernants et les capacités renforcées des citoyens, ces derniers doivent prendre les choses en main car ils doivent changer les choses pour la survie des peuples.

Mais comment ? (les obstacles sont immenses et ne sont pas seulement des gouvernants).

Que la problématique du financement climat soit peu abordée au cours de cette conférence, n’enlève en rien à son existence et que cela soit une tactique du G77 ou voulu par les pays développés n’est qu’un sursit car la COP21 de Paris est un défi et il est important d’éviter le clash comme à Copenhague en 2009.

 Maiga Mouhamoudou Farka, Amade Pelcode Mali

Aller plus loin

Note de position du RC&D sur Addis Abeba – Quelle articulation entre financements pour le climat et pour le développement et quels engagements ?

Note de décryptage du RC&D sur les financements climat

Ce contenu a été publié dans Homepage, avec comme mot(s)-clé(s) , , , , . Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.