ENR pour l’Afrique: mythe ou réalité?

LES ENERGIES RENOUVELABLES POUR L’AFRIQUE SUBSAHARIENNE: MYTHE OU REALITE?

 L’Afrique connaît une demande croissante en énergie et un besoin impérieux d’infrastructures pour y répondre. Face à cette demande pressante, les énergies fossiles continuent à être privilégiées, malgré leurs coûts croissants et leurs impacts négatifs sur l’environnement, alors que les énergies renouvelables (EnR) restent sous-exploitées sur le continent. Dans un tel contexte, peut-on envisager le développement durable des EnR?

Ci-dessous un résumé de l’analyse « Les Energies Renouvelables en Afrique subsaharienne: mythes et réalités » de Rima Le Coguic et Christian de Gromard (AFD) publiée dans la Revue de l’Administration Territoriale de l’Etat, en mars-avril 2013. 

Couv article ENR AFD

Parmi les énergies renouvelables (EnR), on distingue plusieurs filières très diversifiées : les EnR disponibles en stocks (la géothermie), les EnR en flux intermittents (l’éolien ou le solaire) et les EnR en stocks rechargeables (la biomasse si elle n’est pas surexploitée). La chaîne de valeur des EnR implique de nombreux acteurs et systèmes, allant du captage de la ressource à jusqu’à son utilisation dans des appareillages fournissant les différents services énergétiques. Cette analyse porte sur deux principales chaînes de valeur en Afrique : celle de la biomasse et celle de l’électricité.

La biomasse est la principale source d’énergie en Afrique subsaharienne (ASS) et représente 60 à 80% des bilans énergétiques dans la plupart des pays. Elle est utilisée sous forme de bois ou de charbon de bois pour la cuisson des aliments et plus de 500 millions d’Africains en dépendent quotidiennement. Considérée comme renouvelable si elle est bien gérée, la biomasse et très peu prise en compte dans les politiques forestières, agricoles et énergétiques des pays africains. Très peu de pays ont développé des politiques d’approvisionnement durable de leurs centres urbains par la biomasse et rares sont ceux qui sont prêts à investir dans ce secteur informel.

Quant à l’électricité, la capacité installée sur l’ensemble des 54 pays du continent est l’équivalente de celle de l’Allemagne seule. L’ASS est caractérisée par une dualité marquée entre les zones rurales (60% de la population) avec un faible taux d’accès à l’électricité de l’ordre de 5% et les grands centres urbains qui souffrent d’un besoin important de nouvelles capacités de production et d’infrastructures de réseau.

A côté d’une telle situation, l’Afrique dispose d’abondantes ressources renouvelables dont la production reste marginale dans le mix énergétique du continent. Le continent valorise moins de 8% de son potentiel hydraulique qui représente 10% des réserves mondiales économiquement exploitables. En 2012, l’ASS exploitait moins de 1.2 GW de panneaux photovoltaïques. Pendant ce temps, les pays européens totalisaient environ 50 GW. Alors que les côtes et la corne de l’ASS bénéficient de vents forts et réguliers, plus de 90% de l’énergie éolienne actuellement installée dans le continent est localisée en Afrique du Nord. Malgré les ressources de la vallée du Rift estimées à 9 000 MW, la capacité géothermique africaine ne s’élève qu’à 210 MW sur les 11 000 MW en exploitation dans le monde. Enfin, l’Afrique possède un potentiel considérable pour la régénération de bioélectricité. En effet, en valorisant seulement 30% des déchets issus de l’agro-industrie et 10% des résidus de bois, l’ASS produirait 15 000 MW.

L’on justifie souvent la non-exploitation des EnR par leurs coûts trop élevés nécessitant d’énormes subventions. Cette perception tient au fait que les systèmes d’électricité renouvelables présentent des coûts d’investissement plus élevés que ceux des équipements à base d’énergies fossiles. Cependant, peut-on justifier cette perception dans un contexte de hausse continuelle des coûts des énergies fossiles au moment où les EnR, pour la plupart, connaissent de fortes baisses des coûts ?

Si l’Afrique possède des ressources renouvelables énormes, elle doit prendre des mesures qui favorisent leur exploitation. Les autorités doivent mettre en place des politiques publiques qui tiennent comptent des EnR dans leur diversité et privilégient les technologies plus compétitives. Un nombre croissant de pays africains affichent leur volonté d’intégrer ces nouvelles formes d’énergies dans leur mix énergétique de production, mais la plupart rencontrent des difficultés à convertir cet objectif en termes de planification opérationnelle. Il est donc nécessaire de mettre en place un cadre institutionnel et juridique stable pour attirer les investisseurs.

 Joseph Yaovi Kogbe

Août 2013

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