En 2012 – En route vers Rio+20!

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Vingt ans après le sommet de Rio sur le développement durable, la communauté internationale sera rassemblée à Rio en 2012 pour refondre les paradigmes dominants, et intégrer les nouvelles contraintes environnementales, climatiques et sociales dans le développement et l’éradication de la pauvreté. Il est important que les nouveaux principes et modalités de développement bas carbone et adapté au changement climatique s’articulent autour des besoins, vulnérabilités et priorités des communautés locales.

Aller plus loin

 

Pour en savoir plus sur l’atelier 2012 du RC&D, à Grand Popo au Bénin

Pour lire nos recommandations aux décideurs présents à Rio+20 pour un développement sobre en carbone et résilient au changement climatique: Plaidoyer du RC&D pour Rio+20!

 

Rio +20, une énième conférence ou un nouveau paradigme ? Rio+20 est le prochain sommet de la Terre organisé à Rio de Janeiro à l’initiative de la Conférence des Nations Unies sur le Développement Durable en juin prochain. Le sommet a pour mission d’ouvrir la voie à une réforme approfondie de l’architecture mondiale du développement durable – du cadre institutionnel aux politiques préconisées et mises en oeuvre. Il s’agit d’une bien lourde mission pour un sommet qui va durer deux semaines pour la société civile mais réunir les Chefs d’Etat pendant moins de 48 heures. Cette lourde mission pourrait fortement influencer la nature et le bienfondé des politiques de développement appliquées et financées dans les 10 ou 20 prochaines années. L’enjeu est trop grand pour faire l’objet d’une seule conférence. A ce titre, Rio+20 doit être vécu comme le point de départ d’une réflexion. Le moment d’acter la nécessité de réformes sans se précipiter pour en imposer le contenu.

Rio+20 – bilan de vingt ans d’échec ? Pour rappel, ce sommet fait écho au 1er sommet de la Terre organisé en 1992 et qui a débouché sur l’adoption de trois Conventions : sur les changements climatiques, sur la biodiversité et sur la désertification. Trois Conventions qui vingt an plus tard, présentent un bilan plus que mitigé, des chevauchements répétés et une mise en oeuvre plus que limitée. L’environnement ne bénéficie toujours pas d’un droit hiérarchiquement plus fort que le droit du commerce. Il n’est toujours pas protégé par un cadre juridique et pénal international. En effet, il n’existe aujourd’hui aucune institution onusienne chargée de créer et sauvegarder un droit au développement durable. Malgré ces conventions internationales chargées de protéger les plus pauvres, l’agriculture fait de plus en plus les frais des intérêts des multinationales ; le changement climatique constitue de plus en plus une trappe à pauvreté inextricable ; la lutte contre la désertification ne fait toujours pas l’objet d’une politique prioritaire à l’agenda du continent africain ; et la biodiversité est « protégée » seulement lorsqu’elle est rentable. Enfin, les financements internationaux manquent à l’appel pour mettre en oeuvre une vraie politique d’accès à l’énergie pour tous et pour longtemps. Bref, autant d’enjeux de développement identifiés déjà en 1992 et qui restent sans réponse aujourd’hui.

L’économie verte, synonyme de laisser-faire ? Rio+20 a deux grands points à son agenda : la réforme du cadre institutionnel qui régule et consacre le développement durable d’une part, la transition vers une économie « verte » d’autre part. Avec un grand point d’interrogation sur ce qu’on appellera « économie verte ». Ce dernier concept suscite un engouement indéniable partout à travers le monde et permet actuellement d’étiqueter un ensemble hétéroclite allant de la dernière initiative « moins nocive » d’une multinationale à la nouvelle politique de croissance d’un pays qui favorise le développement de nouvelles technologies perçues comme « moins nocives » aussi. Le PNUE a défini les termes « économie verte » comme suit : « l’économie verte est une économie qui entraîne une amélioration du bien-être humain et de l’équité sociale tout en réduisant de manière significative les risques environnementaux et la pénurie des ressources ». Malheureusement, la définition du PNUE est bien trop belle pour la réalité qui sur le terrain, au mieux, s’apparente à une « croissance verte » (notion à l’ordre du jour du G20 à Los Cabos et juste avant Rio+20) qui comprime à tort et à travers la multiplicité des enjeux environnementaux derrière le terme « verte « et exclue sans ambages un des trois piliers constitutifs du développement durable : le social. Or ce sont le social et l’environnemental qui laissent à désirer dans les politiques de développement aujourd’hui. L’économie verte telle qu’elle est comprise par les acteurs économiques revient à consacrer l’économie « laisser-faire » au profit des plus forts. Lire l’analyse de Jean Philippe Thomas Retour de l’économisme effréné

Où sont les communautés ? En consacrant trop rapidement le terme « économie verte » sans en identifier les dangers et les limites, Rio+20 pourrait menacer très directement les acquis de 1992 en étiolant la notion de développement durable au détriment de la justice sociale et au détriment des communautés. Ces communautés pauvres et vulnérables invoquées quotidiennement dans les négociations. Ces communautés dont on décide l’avenir toutes les décennies sans jamais penser à leur demander leur avis. Le développement mal conçu et mal appliqué coûte cher à la communauté internationale et freine de plus en plus les élans de solidarité nord-sud. Les contribuables ne veulent plus payer pour entendre que la pauvreté en Afrique n’a pas reculé et que la dégradation environnementale freine l’accès au développement. Au regard du budget de plus en plus limité accordé par la communauté internationale pour financer les enjeux de développement et de protection de l’environnement dans les pays pauvres, il est impératif de bien penser les grands axes de développement négociés à huis clos mais dont les répercussions sur les communautés et pays « bénéficiaires » sont gigantesques. Le choix traditionnel des bailleurs de la Banque Mondiale de financer en priorité des centrales à charbon en Afrique pour alimenter des multinationales qui polluent localement, sont presque exemptées fiscalement et exportent ensuite leurs productions à l’international représente un exemple simple de politique de développement coûteuse qui oublie de bénéficier aux populations visées et à leur environnement.

Rien ne sert à courir, il faut partir à point. C’est bien pour éviter de répéter les mêmes erreurs que les sommets, institutions et politiques des décennies passées que le Sommet de Rio doit réussir à construire une proposition pour et par ces communautés – à la fois objets des négociations et bénéficiaires des politiques de développement qui en découlent. L’économie verte ne doit pas servir de cache-misère à une série de pratiques nocives pour les populations et les écosystèmes mais véritablement répondre aux besoins des communautés : lutter contre les trappes à pauvreté, lutter contre les dynamiques économiques globales qui écrasent toute activité économique locale, lutter contre les impacts du changement climatique qui affectent l’environnement et les activités des populations, lutter pour l’accès aux énergies renouvelables pour tous, lutter pour la sécurité alimentaire et l’accès aux services essentiels mais aussi moins essentiels. La liste est déjà longue et doit être rallongée pour recueillir les besoins tels qu’exprimées par les communautés d’Afrique, d’Asie ou du Pacifique. Avant de prendre des décisions multilatérales d’une telle envergure, il s’agit de commencer par consulter les populations concernées. Et peut être que le sommet de Rio+20 en juin doit avant tout servir de forum pour recueillir ces doléances et ces propositions locales plutôt que déboucher sur des politiques d’ajustement structurel « vertes » mais néfastes au bien-être humain, social et environnemental. En clair, il s’agit de refuser la consécration d’un concept bâclé et étranger qui ne contribuerait pas directement au bien-être des communautés locales, à la justice sociale et environnementale pour tous. C’est dans une logique de consultation et d’appropriation nationale que l’atelier du Réseau Climat & Développement souhaite contribuer à la liste des enjeux, obstacles, envies et propositions identifiés avec les communautés locales et portés par la voix associative francophone.

Quels enjeux pour nos communautés locales ? Les communautés locales africaines francophones avec lesquelles travaillent le Réseau Climat & Développement font les frais aujourd’hui des politiques inexistantes ou inefficaces mises en place au nom de leur développement depuis 1992. En outre, elles souffrent de la démultiplication des aléas climatiques qui abîment leurs cultures, tuent ou fatiguent leur cheptel, compliquent l’accès à l’eau. Elles souffrent aussi de la volatilité croissante des prix des biens agricoles, fonction directe de la financiarisation des matières premières et du prix de plus en plus élevé du kérosène, fonction directe de la diminution des stocks mondiaux d’énergies fossiles. En clair, elles font face à trois nouvelles contraintes systémiques qui représentent trois nouvelles trappes à pauvreté: la mondialisation et la financiarisation de l’économie réelle ; la fin non-assumée des énergies fossiles ; et les changements climatiques. Lire le communiqué du RC&D sur les emplois vert.

L’agriculture représente le principal enjeu économique pour une majorité des communautés rurales d’Afrique. C’est l’agriculture qui nourrit, crée de l’emploi et du revenu pour les populations locales. C’est cette même agriculture qui souffre très directement des impacts du changement climatique, des irrégularités de la pluviométrie, des politiques agricoles excédentaires et exportatrices de l’UE, des jeux d’achat et revente des stocks de production agricole à la City de Londres, de l’implantation « locale » des multinationales vendeuses d’intrants chimiques, d’agrocarburants ou de bananes ; et des choix agricoles déconnectés des besoins locaux car décidés à plusieurs milliers de kilomètres de là, au siège de la Banque Mondiale. Un des enjeux clefs pour éviter de mettre la sécurité alimentaire des régions les plus vulnérables en péril est la nécessité de la cohérence des politiques de développement agricole et de lutte contre les changements climatiques. Il est primordial que les décisions politiques prises pour favoriser l’adaptation du secteur agricole aux changements climatiques, mais aussi pour assurer l’atténuation des émissions du secteur soient cohérentes et ne mettent jamais en péril la souveraineté alimentaire des communautés, tout en réduisant les émissions où elles sont le plus élevées. Le rôle de l’agriculture familiale dans l’adaptation et l’atténuation doit jouer un rôle central et les communautés ont un rôle important à jouer dans la mise en place de recommandations pour des politiques cohérentes.

Il est très difficile d’arbitrer sur le bienfondé des choix politiques et économiques faits par un pays en situation d’extrême pauvreté puisqu’il faudrait pouvoir opposer ces choix à des alternatives tout aussi rentables mais plus justes. Une tâche peu aisée. De nombreux Etats pauvres ont généré de nouvelles ressources financières en louant ou vendant leurs terres arables « à prix d’or » aux multinationales ou gouvernements étrangers. Ce choix débouche souvent sur l’expropriation sans ménagement des agriculteurs locaux en l’absence d’un droit foncier ou d’une autorité pour le protéger. Il débouche aussi sur des situations aberrantes où faute de terres productives, les Etats ne sont plus en mesure d’assurer la sécurité alimentaire pour leurs populations et se retrouvent à acheter des produits alimentaires de première nécessité sur les marchés mondiaux et à un prix très élevé et inabordable pour le consommateur pauvre. Lire l’analyse d’Ange Baimey sur Eau et Changement Climatique

Conclusion. Rio+20 doit permettre à la société civile e confronter les Etats sur ces politiques « court-termistes » en contradiction directe avec le bien-être et le développement durable des populations. Des solutions existent pour réconcilier accès équitable aux ressources naturelles, développement économique et protection de l’environnement mais leur financement et leur mise en oeuvre exigent une réforme des pratiques grandes institutions et faiseurs de politiques à la chaîne.

Le Réseau Climat & Développement rencontre le Ministre du Développement à Rio+20

Le Réseau Climat & Développement rencontre le Ministre du Développement à Rio+20

 

 

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