Constats
L’Afrique ne représente que 6% de la consommation mondiale d’énergie, et son accès à l’énergie – et l’électricité notamment – est entravé par des difficultés économiques et sociales. En outre, l’énergie consommée fait souvent l’objet de pertes importantes et de gaspillage.
Dans le secteur industriel, les technologies utilisées sont souvent vétustes, et porteuses de pertes d’énergie importantes. Associées à des coûts de production élevés de l’énergie, cela implique des problèmes importants de compétitivité pour les entreprises africaines.
La production et la vente sont souvent interrompues ou erratiques, les prix très volatiles et élevés. Par ailleurs, les pointes de consommation, mal gérées, impliquent de couteux investissements dans les réseaux et font peser des risques sur la continuité de l’approvisionnement électrique.
Ainsi, alors que consommation est très faible, elle fait déjà l’objet de rationalisation par les consommateurs eux-mêmes, confrontés très régulièrement à des pénuries d’énergie et problèmes de délestage, ainsi qu’à une volatilité des prix de l’énergie.
En zone rurale, les communautés locales sont très dépendantes de la biomasse traditionnelle (bois énergie, charbon de bois…), et malgré les progrès fait dans l’utilisation des foyers améliorés, les systèmes énergétiques restent peu efficaces. Cela a des conséquences négatives aussi bien pour la santé de la population que pour les écosystèmes (déforestation par exemple), mais pèse aussi sur certaines catégories et notamment les femmes, en charge de collecter le bois.
On constate qu’en zone rurale comme en ville, c’est surtout par nécessité — et non par choix — que les consommateurs tendent à restreindre leur consommation d’énergie. Pourtant, on constate qu’en améliorant les infrastructures, la gestion, l’usage et la gouvernance des différentes sources d’énergie, on pourrait pourtant améliorer l’efficacité énergétique globale de l’Afrique tout en contribuant au bien-être des communautés locales.
Les enjeux
L’efficacité énergétique au coeur du développement. Le continent gagnerait à améliorer l’efficacité énergétique dans certains secteurs, notamment l’industrie,les transports, mais aussi les usages domestiques de l’énergie. L’efficacité énergétique consiste à satisfaire les mêmes besoins en limitant, par le recours à des technologies, les consommations d’énergie.
Les avantages de l’efficacité énergétiques pour le développement sont nombreux : réduction des importations d’énergies fossiles et baisse de la facture énergétique, consolidation de la productivité de l’industrie, amélioration des conditions de vie des populations, réduction des impacts sur l’environnement des consommations d’énergie…
En développant l’efficacité énergétique, non seulement des emplois peuvent être crées, mais cela peut aussi entrainer des baisses des coûts de production de l’électricité. L’efficacité énergétique est donc un facteur clé du développement sobre en carbone. C’est d’ailleurs l’objet de l’article 2 du Protocole de Kyoto qui indique que l’accroissement de l’efficacité énergétique serait profitable au développement durable et à l’économie.
Le changement du modèle de développement présent qui se caractérise par un système énergétivore est ainsi une partie de la solution à la crise globale. Maitriser la demande énergétique, structurer l’offre des services énergétique, assurer un accès efficace des communautés à la ressource permettrait des économies d’énergie au niveau globale. Et ces économies d’énergie impacteraient le développement de façon positive en contribuant à la réduction des inégalités sociales.
Les solutions
Pour des politiques africaines d’efficacité énergétique. À l’image du fort potentiel en énergie renouvelables, l’Afrique dispose d’un potentiel important en efficacité énergétique, dans les différents secteurs que sont le transport, l’industrie et les usages domestiques de l’énergie. Pourtant, alors que l’efficacité énergétique est une solution « gagnante-gagnante » reconnue par tous, elle est négligée par les décideurs politiques. En effet, un rapide bilan de 20 ans de lutte contre le changement climatique montre que l’efficacité énergétique n’a reçu que peu de financements de la part des différents bailleurs, et que son potentiel est encore sous-estimé dans le cadre des négociations de la CCNUCC sur les futures actions de réduction d’émission de gaz à effet de serre des pays en développement (« NAMAs »). Il faut impérativement développer des politiques et cadres incitatifs pour permettre une plus grande efficacité énergétique, bénéfique pour le climat et pour les populations.
Encourager les technologies efficaces. Réduire la consommation d’énergie dans les bâtiments et les transports, améliorer l’accès aux services énergétique sont autant des solutions pratiques déjà mise en oeuvre mais qu’il serait déterminant de renforcée. Par exemple, face à la précarité énergétique de certaines communautés rurales de Benin, les ONG développent des projets qui allègent la collecte de bois-énergie, devenue une tâche difficile pour les femmes à cause des changements climatiques, tous en apportant une réponse à la sécurité alimentaire par l’accès à cette énergie d’origine végétale. L’ensemble de ces projets, efficaces au niveau des communautés, doivent donc être reconnus comme étant partie intégrante des stratégies de développement sobre en carbone, et donc doivent être éligibles à des financements internationaux, en particuliers ceux issus du fonds vert de Cancun. Par ailleurs, ces projets ne pourront se dupliquer que s’ils sont encadrés efficacement par des cadres de régulation et de réglementation.
Mettre en place des politiques nationales d’efficacité énergétique. Aujourd’hui, malgré certains progrès, l’efficacité énergétique reste cantonnée à quelques projets développés sur le terrain, alors qu’elle devrait faire l’objet de politiques publiques nationales. En effet, certaines technologies sont suffisamment mûres pour être développées à grande échelle, comme par exemple les foyers améliorés, qui pourraient faire l’objet d’une réglementation, tant les gains économiques, sanitaires et environnementaux sont supérieurs aux coûts d’investissements. Dans d’autres secteurs, et notamment celui des transports, réduire les consommations unitaires par service rendu. Il s’agit par exemple d’une optimisation des politiques de vitesses maximales autorisées, qui présentent le double avantage de réduire la consommation unitaire des véhicules tout en garantissant la sécurité routière. Par ailleurs, certains pays ont introduit des normes sur la consommation unitaire des véhicules, ou tentent de prohiber l’importation de véhicules anciens trop consommateurs. Ces mesures, si elles rentrent parfois en conflit avec des enjeux de développement car elles provoquent un renchérissement du service de mobilité, sont toutefois bénéfiques sur le long terme, car elles quelques normes simples pourraient contribuer à entrainer des économies de carburants, et bien souvent une baisse des dépenses publiques dans les pays où la consommation de carburants est subventionnée par les pouvoirs publics. Dans le secteur du bâtiment, des normes imposant certaines technologies efficaces, comme la production d’eau chaude sanitaire par le biais de solaire thermique, permettraient des gains importants. Il est donc nécessaire que chaque pays africain développe des politiques nationales d’efficacité énergétique, et se dote des outils réglementaires et législatifs pour bannir progressivement tout gaspillage énergétique.
Réformer la gouvernance de l’énergie. L’ensemble de ces mesures passe par une modification de la gouvernance de l’énergie, afin de mieux associer les consommateurs, et notamment les communauté, à la mise en oeuvre de solutions d’efficacité énergétique. Pour cela, il est nécessaire de décentraliser les politiques énergétiques pour les rapprocher des utilisateurs. Cela assurera une meilleure diffusion des technologies, et renforcera l’acceptabilité sociale des technologies. Il est donc indispensable d’associer pouvoirs locaux, ONG, acteurs économiques dans la définition de stratégies énergétiques locales, pour lesquelles des indicateurs adaptés doivent être développé. Le rôle des universités et des centres de savoirs est tout aussi essentiel, dans la mise en oeuvre de ces politiques qui constituent un pilier incontournable d’un développement sobre en carbone.
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Lire la Déclaration de Lomé du RC&D
Consulter en ligne la publication 2014 du Réseau Climat & Développement sur Le rôle des énergies renouvelables en Afrique