Décryptage : les enjeux de la COP 23

Dans quelques jours commencera à Bonn la COP 23, une COP peu médiatisée et pourtant cruciale !

 

La COP 23, qui aura lieu à Bonn du 6 au 17 novembre 2017 sous la présidence fidjienne, est une COP charnière au croisement de l’entrée en vigueur effective de l’accord de Paris en 2016 et de l’évaluation des premières mesures en 2018 à travers le dialogue de Talanoa où les Etats feront le bilans des objectifs fixés et des avancées réalisées depuis 2015.  La COP 23 s’inscrit également dans un contexte d’urgence climatique alors que les ouragans, les moussons, la désertification, la montée des eaux et les vagues de sécheresse etc. mettent  en avant les vulnérabilités des pays fortement impactés par les changements climatique (1). L’ampleur des défis auxquels la COP 23 devra faire face nécessite d’ores et déjà d’impulser la relève des ambitions climatiques, tout en renforçant l’inclusion des acteurs non-étatiques – définis ici comme les collectivités territoriales, les entreprises, les associations, les syndicats, les fédérations professionnelles, les organisations non-gouvernementales, les organismes scientifiques, les bailleurs et les citoyens engagés pour le climat (2) – et en dynamisant la coopération internationale.

Les changements climatiques en Afrique se manifestent notamment par des vagues de chaleur et des sécheresses de plus en plus fréquentes et intenses. (Crédit : Madjidi Moutari)

L’urgence d’une action climatique juste envers les pays les plus vulnérables

 

Dans le contexte d’urgence climatique tristement illustré par les récentes catastrophes naturelles, les chercheurs et la société civile s’alarment face au manque d’action politique. En effet, si les Etats maintiennent la trajectoire actuelle, le réchauffement climatique serait de 2°C à 4,9°C (3), ce qui est bien au dessus des objectifs fixés par l’accord de Paris dont l’objectif est de rester en dessous de 2, C voire 1,5°C.

Les régions du monde sont de plus en plus affectées par les changements climatiques, et ce de manière très inégale. L’enjeu de la justice climatique pour les pays vulnérables est plus que jamais présent à quelques semaines de la COP 23, présidée par les îles Fidji, petit État insulaire gravement menacé par la montée des eaux. D’après un cabinet britannique d’analyse de risques climatiques, parmi les cinq pays les plus vulnérables aux changements climatiques, quatre sont africains (4) : il est alors central d’accorder une attention particulière aux populations peu audibles – et notamment aux populations africaines – qui doivent directement faire face aux changements climatiques.

Changer la trajectoire pour parvenir à une transition juste et ambitieuse est possible et nécessaire. La COP 23 peut ainsi, en amont de 2018, lancer la dynamique de relève des ambitions climatiques et peut se faire la porte-parole d’une coopération internationale proactive, engagée pour les plus vulnérables, en soutenant notamment les projets de renforcement des capacités et en favorisant l’accès aux financements climat pour les acteurs de terrain. Réaffirmer la nécessité de tenir compte des préoccupations des populations bénéficiaires passe aussi par la valorisation de l’adaptation aux changements climatiques et des initiatives porteuses d’un fort potentiel transformationnel – comme l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables ou l’Initiative adaptation pour l’Afrique.

Le bouleversement de l’arène climatique : vers une COP 23 qui renforce le rôle moteur des acteurs non-étatiques

 

Depuis la COP 22, qui s’est tenue en 2016 à Marrakech, les cartes de l’action climatique ont été redistribuées. L’annonce du retrait des USA de l’accord de Paris le 1er juin 2017 a fait germer des inquiétudes tandis qu’en parallèle se développent des arènes de réflexions et de décisions climatiques autres que les COP, notamment au niveau africain. Toutes les instances régionales comme l’Union Africaine,  la Conférence des chefs d’Etat et des gouvernements africains sur les changements climatiques (CAHOSCC), la Conférence des Ministres africains de l’environnement (AMCEN), ou encore les assemblées des initiatives comme l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables etc. sont autant d’événements clés qui permettent le renforcement du rôle d’autres acteurs dans la mise en œuvre de l’accord de Paris, ce dont la COP 23 doit tenir compte.

On observe ainsi  une reconnaissance progressive de l’importance des acteurs non-étatiques. Leur visibilité et leur légitimité d’action ne cessent de croître depuis l’accord de Paris, comme l’illustre la participation au sommet Climate Chance qui s’est tenu à Agadir du 11 au 13 septembre dernier et qui a accueilli près de 5 000 participants de plus de 80 pays différents. Au sein des instances internationales de négociation, on constate ainsi le dynamisme du groupe Afrique, du groupe des pays les moins avancés (PMA), des petits Etats insulaires, et des pays les plus vulnérables rassemblés dans le Climate Vulnerable Forum (CVF). 

Leur expertise sur le terrain, leur lien avec les populations bénéficiaires et leurs capacités d’innovation en font des acteurs essentiels à intégrer, dès aujourd’hui, à tous les niveaux de la mise en œuvre l’accord de Paris (5). La COP 23 sera ainsi un moment charnière qui peut impulser une dynamique favorable à leur inclusion.

La COP 23 : une porte d’entrée pour une action climatique ambitieuse

 

La COP 23 est un moment charnière pour réaffirmer l’engagement commun des Etats parties, dans un contexte où la lutte contre les changements climatiques et la solidarité internationale devraient être une priorité. L’accord de Paris n’est ni négociable ni réversible, et l’annonce de nouvelles politiques climatiques lors de la COP 23 pourraient être le signal fort d’une unité internationale volontariste.

Ainsi, la COP 23 est un moment décisif qui déterminera le caractère ambitieux de la mise en œuvre de l’accord de Paris. En effet, lors de la COP 24 en 2018 devraient être actées les règles de mise en œuvre – appelées implementation guidelines – qui cadrent le mode de fonctionnement du nouveau régime climatique international. En entérinant d’ores et déjà l’importance de l’inclusion des acteurs non-étatiques dans la gouvernance et en élaborant des mécanismes contraignants de transparence et de conformité aux Etats, la COP 23 lancera une dynamique politique qui conditionnera la COP 24 en Pologne.

2018 est aussi le moment où se tient le « dialogue de Talanoa », moment majeur d’évaluations des politiques climatiques des Parties et de révision de leurs ambitions. La COP 23 prépare donc cet évènement politique fort et sera donc l’occasion de rappeler les promesses édictées par les Etats en matière de réduction de gaz à effet de serre, mais aussi de les renforcer.

 

Les changements climatiques en Afrique renforcent le phénomène d’érosion des côtes, à cause de la montée du niveau de la mer. (Crédit : RC&D)

La COP 23 est un moment essentiel pour parvenir à l’objectif de réduire clairement les émissions mondiales de gaz à effet de serre en 2020, donc pour maintenir un réchauffement climatique à 1,5°C. En clarifiant le mode de fonctionnement de l’accord de Paris, en reconnaissant l’importance de l’inclusion des acteurs non-étatiques et en réaffirmant l’importance d’une réhausse des ambitions lors du dialogue de Talanoa, la COP 23 est un réel tremplin climatique porteur de potentiel pour les populations les plus vulnérables et pour la société civile africaine francophone.

Si vous désirez utiliser ces éléments d’analyse, vous pouvez télécharger en cliquant ici la présentation powerpoint du RC&D sur « les enjeux de la COP 23 ».

Vous pouvez aussi visualiser la présentation en ligne :

Sources :

(1) Blavignat Yoann, “Ouragans, inondations, sécheresse… Le monde à l’épreuve du réchauffement climatique”, Le Figaro, 30 août 2017, http://www.lefigaro.fr/sciences/2017/08/30/01008-20170830ARTFIG00256-ouragans-inondations-secheresse-le-monde-a-l-epreuve-du-rechauffement-climatique.php

(2) Ouchagour Leila, « Climate Chance : Les acteurs non étatiques engagés réunis à Agadir », Aujourd’hui Le Maroc, 08 septembre 2017, http://aujourdhui.ma/economie/climate-chance-les-acteurs-non-etatiques-engages-reunis-a-agadir

(3) Sader Marie Jo, “Les chances d’atteindre l’Accord de Paris se réduisent, Actu environnement, 01 août 2017, https://www.actu-environnement.com/ae/news/etude-chance-accord-paris-climat-temperature-29471.php4

(4) Maplecroft, Climate Change, Vulnerability Index 2017, 2017, http://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/verisk%20index.pdf

(5) Pour en savoir plus, consultez la publication annuelle du RC&D “Acteurs non-étatiques : vers un rôle moteur dans la mise en oeuvre de l’accord de Paris” en cliquant ici.

 

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