TRIBUNE – Climat, pandémies : comment la France peut changer la donne avec la TTF européenne
Alors que se profilent la conférence des Nations-Unies sur le financement du développement en juillet et la conférence Paris Climat 2015 en décembre, nous, organisations de la société civile francophone, appelons la France à saisir une opportunité historique, celle de changer l’avenir de millions de personnes en Afrique et dans le reste du monde en décidant d’affecter les recettes de la taxe sur les transactions financières européennes aux grandes urgences mondiales, les grandes pandémies comme le sida, et le changement climatique.
Depuis 2012, la France est moteur dans la mise en place d’un mécanisme innovant de financement dans 11 Etats européens : la taxe sur les transactions financières (TTF). Selon la Commission européenne, cette TTF européenne devrait générer 35 milliards d’euros par an. En décidant d’en affecter une portion à la lutte contre le changement climatique et les grandes pandémies, la France peut changer le cours de l’histoire : démontrer que la solidarité internationale n’est pas en faillite et sauver des vies fragilisées par la maladie et les aléas climatiques. Car les efforts de lutte contre les crises, qu’elles soient sanitaires ou climatiques, portent leurs fruits – à condition que les financements soient au rendez-vous.
La mobilisation politique et financière des Etats, les progrès scientifiques et la mise en place du Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, ont permis d’obtenir des avancées considérables dans la lutte contre les grandes pandémies. La mortalité liée au paludisme a été divisée par deux depuis 10 ans, et pour la première fois l’an dernier, le nombre de mises sous traitement antirétroviral a dépassé le nombre de nouvelles infections à VIH, laissant entrevoir une génération sans sida à l’horizon 2030.
Mais les progrès accomplis sont fragiles et encore insuffisants. Avec 125 000 morts et 175 000 nouvelles infections dans le monde chaque mois, le VIH demeure une crise sanitaire et un puissant frein au développement qu’il faut urgemment juguler. En Afrique subsaharienne, 6 malades sur 10 et 8 enfants touchés sur 10 n’ont pas accès à un traitement antirétroviral. Selon l’ONU, sans investissements financiers massifs dans les cinq prochaines années, l’épidémie rebondira et deviendra de nouveau incontrôlable.
En matière d’adaptation au changement climatique, les efforts consentis depuis Copenhague ont permis à de nombreuses communautés de faire face aux événements extrêmes de plus en plus violents et fréquents. Les systèmes d’alerte précoce, les digues, les méthodes de production et d’irrigation mieux adaptées ont permis de sauver des vies et d’éviter des famines.
Mais, là aussi, les financements restent insuffisants pour répondre aux besoins : les financements dédiés à la lutte contre le changement climatique, répartis entre 137 pays en développement, représentent entre 17 et 20 milliards de dollars par an, dont seulement 20% pour l’adaptation. Alors qu’actuellement, les besoins pour l’Afrique seule sont de l’ordre de 7 à 15 milliards de dollars par an. Sans financements supplémentaires, 600 millions de personnes en plus risquent de souffrir de la faim en 2050.
A la conférence d’Addis-Abeba, du 13 au 16 juillet prochain, l’enjeu brûlant sera de mobiliser les ressources permettant d’offrir aux populations les plus pauvres et les plus vulnérables un développement durable, sain et adapté aux impacts du changement climatique. La réponse financière devra être suffisamment crédible pour faire émerger un accord ambitieux sur la réduction des risques climatiques à la COP21 en décembre prochain à Paris, et pour porter un coup d’arrêt à la mortalité et aux nouvelles infections à VIH, à la tuberculose et au paludisme. Une réponse commune des 11 Etats de la TTF européenne serait un signal extrêmement fort.
Or, des engagements solennels ont été pris. Au sommet de la Terre à Rio en 2012, puis devant l’Union Africaine en 2013, le Président de la République François Hollande s’est engagé à ce que les recettes de la TTF européenne servent à financer la riposte aux grandes urgences mondiales, comme l’éradication des grandes pandémies et l’adaptation au changement climatique.
En 2015, un million de personnes ont signé une pétition appelant la France et ses partenaires à respecter ces engagements. C’est pourquoi le temps est venu de transformer les paroles en actes : à la conférence d’Addis-Abeba, nous attendons de la France qu’elle annonce enfin l’accueil à Paris d’un sommet européen pour entériner l’affectation commune de la TTF, à la lutte contre grandes pandémies et au changement climatique. C’est ainsi que la France pourra se donner les moyens de changer le cours de l’histoire.
Signataires : organisations de la société civile francophone
AAS, Burkina Faso
ACDA, Congo-Brazzaville
ACDI, République démocratique du Congo
ACS/AMO, République démocratique du Congo
ADD, Cameroun
AFAD, Mali
AFHON, Côte d’Ivoire
Africagay contre le Sida, Afrique
AIDES, France
AIDES Sénégal, Sénégal
ALCS, Maroc
Alternatives Cameroun, Cameroun
AMADE PELCODE, Mali
ANSS, Burundi
APCS, Algérie
ARAS, Roumanie
ARCAD-SIDA, Mali
Association Faso Enviprotek, Burkina Faso
ASBL, Burundi
ASEDI, Togo
ASIC, Mali
Association ENERGIES 2050, France
ATL, Tunisie
CACUPERSABU, Burundi
Cameroon TB GROUP, Cameroun
CéRADIS, Bénin
Coalition 15%, Cameroun
Coalition PLUS, International
COCQ-SIDA, Canada (Québec)
Colibri, Côte d’Ivoire
DEMI-E, Niger
Eco-Bénin, Bénin
Elat-Meyong, Cameroun
ENDA Tiers Monde, Sénégal
Espace Confiance, Côte d’Ivoire
EVA, Djibouti
GAT, Portugal
GICPAZ -Promoteurs agricoles de Zamakoé, Cameroun
Green Horizon, Cameroun
AFAD, Mali
Grande Muraille Verte, Niger
Groupe de recherches et d’applications techniques, Mali
Groupe Sida Genève Suisse
IDH, Bolivie
JVE BENIN, Bénin
Kimirina, Equateur
Lumière Action, Côte d’Ivoire
MAUDESCO, Ile Maurice
Monde Volontaire au Développement, Togo
OCEAN, République démocratique du Congo
OPED-Togo, Togo
POSITIVE-GENERATION, Cameroun
Prévention information et lutte contre le sida, Ile Maurice
Réseau Action Climat-France
RAME, Burkina Faso
Réseau national tchadien des associations de personnes vivant avec le VIH, Tchad
Réseau national urbain des habitants du Cameroun, Cameroun
Réseau Climat et Développement, Afrique
REVS, Burkina Faso
RJNCC/AYICC-Niger, Niger
Treatment Access Watch-Africa, Afrique
Treatment Access Watch-Cameroon, Cameroun
Women Environmental Programme, Burkina Faso