La situation énergétique de l’Afrique

 

par Cloé Gotteland Aibar, janvier 2013

Désignée par l’ONU comme une priorité pour la décennie 2014-2024 et faisant partie des sous-critères des Objectifs du Millénaire pour le Développement, l’accès à l’énergie est l’un des principaux enjeux pour le développement en Afrique.

Malgré les importantes ressources énergétiques dont dispose le continent, en Afrique subsaharienne, les problèmes d’accès à l’électricité touchent directement entre 580 et 650 millions de personnes, soit environ 70% de la population. En effet, le manque d’infrastructures, l’instabilité politique, le manque de réglementations, le surcoût à l’investissement des EnR, sont autant de freins qui subsistent pour délivrer l’électricité à l’ensemble de la population.

Confronté à l’enchérissement et la raréfaction des ressources fossiles et dans un contexte de changement climatique le développement des EnR constituent cependant une chance pour que l’énergie ne soit plus un obstacle mais un levier du développement.

Des ressources disponibles mais non exploitées

Essentiel au développement l’accès à l’énergie conditionne les besoins de base  (accès à l’eau, la productivité agricole, la santé, éducation…). Alors que l’Afrique abrite 15% de la population de la planète, elle ne produit que 3,6 % des émissions mondiales annuelles de dioxyde de carbone car le continent consomme très peu d’énergie. La consommation énergétique moyenne est de 0.5 tonnes équivalent pétrole par habitant contre 1.2 en moyenne mondiale et son taux d’électrification le plus faible au monde.

Cette situation, à la fois cause et conséquence du faible développement, est paradoxale car l’Afrique est riche en ressources énergétiques. Selon une étude de la FAO, le continent concentre ainsi 21% des stocks de carbone de la biomasse forestière et 30% de la consommation mondiale de bois à des fins énergétiques. Principalement destiné à l’exportation on retrouve également 8% des réserves pétrolières mondiales ainsi que 8% du gaz (principalement en Afrique du Nord et dans les pays riverains du Golfe de Guinée) et 4% du charbon (la quasi-totalité du potentiel de charbon se trouvant en Afrique Australe). En termes d’énergies renouvelables le continent renferme une richesse énergétique encore plus importante avec des capacités géothermiques concentrées essentiellement en Afrique de l’Est et des bassins hydrauliques en Afrique centrale. Les pays sahéliens bénéficient quant à eux d’un des plus fort rayonnement solaire de la planète.

Un accès limité à toutes les échelles

A l’image de ces ressources hétérogènes, les capacités d’exploitation le sont tout autant. Tandis que 75% de l’énergie consommée par l’ensemble du continent est répartie entre Afrique du Nord et Afrique du Sud, en Afrique subsaharienne environ 77% de la population n’a pas accès à l’électricité et 89% de la population consomme de la biomasse traditionnelle pour cuire ses aliments et se chauffer (AIE, 2002). Cette fracture énergétique mondiale et régionale concerne également les zones rurales et urbaines ainsi que les quartiers d’affaires et banlieues populaires. En effet, l’urbanisation galopante ne garantit pas de meilleures conditions de vie : on estime que plus de 160 millions de personnes vivent dans des bidonvilles où les infrastructures énergétiques sont souvent précaires. Ainsi, la demande énergétique étant démultipliée, la question démographique et migratoire rend d’autant plus complexe l’enjeu de l’accès à l’énergie.

Une demande énergétique croissante

Avec plus de 1 milliard d’habitants, l’Afrique est le second continent le plus peuplé après l’Asie, mais a un taux de croissance démographique près de deux fois supérieur (2,5% par an). La population du continent devrait atteindre 2 milliards en 2050 (voir infographie ci-contre). Aujourd’hui les investissements annuels dans le développement de services énergétiques de base s’élèvent à moins de 10 milliards de dollars par an. À investissements constants, en 2030, 1 milliard de personnes n’auront toujours pas l’électricité. Le nombre d’exclus de ces services augmentera en Afrique subsaharienne du fait de la croissance démographique: 650 millions de personnes sans électricité, 900 millions sans moyen de cuisson durable. Face à la volatilité des prix de l’énergie, les EnR offre un réel avantage malgré un investissements de départ important. Or, pour faire face à cette demande croissante il faudra mobiliser 1 000 milliards de dollars. Si cette somme peut paraître colossale, elle ne représente cependant que 3% de l’investissement en infrastructures énergétiques devant être réalisé sur la période 2010-2030 pour atteindre l’objectif de l’accès à l’énergie durable d’ici 2030.

Un continent à fort potentiel EnR

Malgré les nombreuses sources d’énergie renouvelable que possède l’Afrique, seule une infime partie de ce potentiel est exploitée. Ainsi, moins de 1% des capacités géothermiques de la Vallée du Rift est exploité (sur un potentiel de l’ordre de 9000 MW, seules 54 MW sont extraites).

Dans le domaine de l’hydraulique, l’énergie la mieux exploitée sur le continent, l’Afrique recèle 10% des réserves mondiales économiquement exploitables (1100 TWh), mais le continent n’a exploité que 8% de ce potentiel.

Ce faible pourcentage d’exploitation concerne également l’énergie hydraulique, qui représente la source la mieux exploitée sur le continent. Alors que l’Afrique recèle 10% des réserves mondiales économiquement exploitables (1 100 TWh), le continent n’exploite que 8% de ce potentiel. En Afrique de l’Ouest seul 16% des 25 000 MW estimé est exploité.

Avec un potentiel de flux solaire moyen d’environ 5 à 6 KWh/m2/jour., contre seulement 3 kWh/m2/jour en zone tempérée européenne, l’Afrique de l’Ouest fait partie des régions les plus ensoleillées de la terre, . Des régions tropicales aux désertiques, le soleil est présent quasiment toute l’année et brille en moyenne durant 3000heures par an dans les Etats de l’UEMOA. Dans l’espace CEDEAO la part du solaire dans le mix énergétique est estimée à moins de 1% de cette ressource pourtant disponible.

Pour ce qui est du potentiel éolien dans la région Ouest africaine, il reste assez mal connu. Un potentiel sur la façade atlantique (nord du Sénégal) avec des vents constants situés entre 5,5 à 7 mètres par seconde a néanmoins été identifié. Un potentiel existerait sur d’autres zones côtières et continentales (Cotonou, Lomé).

La biomasse est une source d’énergie pour laquelle il est difficile d’avoir des statistiques fiables en Afrique de l’Ouest (notamment le bois-énergie. En absence de bases de données la planification des reboisements reste difficile a mettre en place.

La filière biocarburant tend à se développer en Afrique de l’Ouest. La plupart des Etats de la sous-région ouest-africaine ont élaboré des politiques et stratégies nationales en matière de biocarburants. Dans la plupart des pays, même si l’initiative est prise par les autorités publiques, les sociétés privées et les ONG sont associées aux stratégies. L’UEMOA et le FAGAS  sont impliqués dans la promotion et le développement de la filière Biocarburant en Afrique de l’Ouest.

Le biogaz reste une initiative marginale, le Burkina et le Sénégal étant les deux seuls Etats d’Afrique de l’Ouest à avoir bénéficié en 2009 de l’appui de l’Africa biogas partnership programme (ABPP) afin de mettre en œuvre un programme national de bio digesteurs jusqu’en 2013. Les bio digesteurs ont permis au Burkina de « protéger 65,08 ha de forêts et d’économiser 382,54t de bois économisant ainsi plus de 46 millions de FCFA (soit, l’importation de 12.080 bouteilles de gaz butane de 12,5Kg).

Le potentiel en matière d’EE

 Relever le défi de l’accès à l’énergie signifie améliorer l’EE afin de mettre les services énergétiques modernes à la portée des plus pauvres tout en attirant les investissements du secteur privé.

La consommation totale d’énergie primaire dans les pays de la CEDEAO est d’environ 155 Mtep par an dont 22 Mtep correspondent à l’énergie commerciale (produits pétroliers et 43 TWh d’électricité). Les évaluations montrent que la mise en œuvre des mesures économiquement intéressantes pourrait conduire à des économies de 30% d’électricité à court et moyen terme. Cela correspond à libérer plus de 4 000 MW d’électricité pour de nouveaux usages et de nouveaux utilisateurs.

Certaines expériences menées dans différents pays de la CEDEAO montrent que des efforts publics concertés peuvent fournir des services améliorés avec moins d’énergie. Les mesures qui ont un retour sur investissement de moins de 3 ans peuvent économiser généralement jusqu’à 30% de la consommation d’énergie. Les économies globales dans l’Afrique de l’Ouest pourraient même être supérieures, représentant jusqu’à 40% de la consommation de l’énergie courante.

En Afrique de l’Ouest, l’utilisation de lampes à haute efficacité et l’amélioration de l’efficacité des réseaux de distribution d’électricité permettrait à elles seules d’économiser approximativement 25% de l’usage d’électricité courante. Ainsi, le potentiel le plus important d’économie d’électricité, réside dans quelques technologies clés: éclairage, réfrigérateurs, climatisation et réseaux de distribution d’électricité. Chacune de ces technologies peut contribuer à 10% d’économie, à travers une efficacité améliorée. De plus, des économies sont possibles à plus long terme dans les bâtiments, l’industrie et les services.

Le potentiel d’économie dans la cuisson et la production d’eau chaude est particulièrement important, et représente actuellement le plus gros usage d’énergie primaire en Afrique de l’Ouest. l’amélioration de l’EE dans la transformation du charbon de bois, le transport de combustibles pour la cuisson, les foyers de cuisine, en lien avec une gestion durable des forêts et des carburants alternatifs permettrait de garantir la mise à disposition à long terme d’une cuisson sûre à prix abordable pour tous.

Il existe, également, un potentiel similaire d’économies d’énergie dans la consommation de combustibles fossiles pour le transport. Néanmoins, mettre en œuvre ce potentiel nécessitera des efforts à plus long terme.

Les politiques en place

Nombreux sont les acteurs sur la scène énergétique africaine. Si les Etats ont pendant longtemps délaissé ce secteur aujourd’hui ils s’investissent d’avantage et tentent d’assurer l’organisation du secteur.  La création de CEREEC cristallise cette volonté et accélère les avancées (création d’ECOWREX; le lancement de l’initiative EREI qui soutient le développement d’une réserve de projets d’énergies renouvelables à grande et moyenne échelle; ou encore la mise en place du programme de renforcement des capacités en matière d’énergies renouvelables de la CEDEAO).

Cependant la mise en œuvre du Livre blanc, l’intégration des enR dans les documents stratégiques ainsi que les allocations budgétaires et les incitations financières restent très sommaires dans la plupart des pays. De plus l’efficacité énergétique reste globalement absente des politiques nationales car les actions d‟économie d‟énergie sont vécues comme moins prioritaires que les investissements en installations de production, dont l‟insuffisance est criante.

De façon générale il n’existe pas encore de politiques ou de stratégies claires pour l’intégration de l’EnR dans les zones rurales. Seul huit pays de la CEDEAO ont inclus des objectifs à court et/ou à long terme en matière d’énergie renouvelable dans leurs politiques sectorielles de l’énergie ou de l’approvisionnement électricité.

Le Cap-Vert, notamment, qui cherche une pénétration de l’EnR de 50% dans le mix de production électrique d’ici 2020. L’objectif de pénétration de l’EnR de 25% a été atteint en 2012 comme prévu. Le Cap-Vert a donc la plus forte pénétration d’EnR par habitant dans la région de la CEDEAO. D’autres pays ont également adopté des objectifs: le Sénégal avec 15% de pénétration EnR en 2020, suivi par le Ghana et le Mali avec 10% de pénétration EnR respectivement en 2020 et 2022 et le Nigeria (10% de la capacité électrique installée d’ici 2020, et la Côte d’Ivoire avec 5% de pénétration EnR en 2015). Dans certains cas, des objectifs très ambitieux ont été fixés comme par exemple le Libéria avec 30% de pénétration EnR en 2015. La Guinée-Bissau, le Burkina Faso, la Sierra Leone, le Togo et la Gambie n’ont pas encore défini d’objectifs RE de production électrique. Toutefois, ces pays développent activement des projets d’EnR (photovoltaïque, biocarburants, éolien, petite hydroélectricité).

Concernant les EnR dans la législation et la régulation en matière d’électricité, seule une petite partie des pays ont adopté des lois et régulations en matière d’EnR. Notamment, au Mali où la loi sur l’électricité (2000) propose d’instaurer des tarifs d’achat.

Au Sénégal, une loi adoptée en Décembre 2011 fixe les conditions d’achat de l’électricité à partir de sources d’énergie renouvelable. À l’heure actuelle, le gouvernement définit les tarifs de rachat pour les différentes technologies d’énergie renouvelable avec l’assistance technique de la GIZ.

Le Ghana a adopté sa loi sur l’énergie renouvelable en 2012 qui comprend également la mise en place d’un système de tarifs d’achat. À l’heure actuelle, le gouvernement définit les différents tarifs pour les différentes technologies d’énergie renouvelable.

Le Cap-Vert a élaboré une loi complète et détaillée pour l’EnR afin d’attirer les investisseurs privés ainsi que les producteurs indépendants. En outre, le gouvernement a entrepris une évaluation globale du potentiel de l’EnR et a adopté un plan d’investissement pour les différents sites de l’énergie solaire et éolienne.

Sources:

http://www.energy-for-africa.fr/files/file/study/l-energie-en-afrique-a-l-horizon-2050.pdf

http://www.oecd.org/fr/dev/emoa/33936714.pdf

http://www.centraider.org/dyn/groupes_de_travail/afrique/2013/commission-afrique-contribution.pdf

http://www.ecreee.org/sites/default/files/documents/basic_page/081012-politique_-ee-cedeao-final-fr.pdf

http://www.unccd.int/Lists/SiteDocumentLibrary/Regions/Africa/meetings/regional/TPN5_2004/tpn5_enjeuxtechn-fre.pdf

http://www.ecreee.org/sites/default/files/les_energies_renouvelables_en_afrique_de_louest.pdf

http://www.afd.fr/webdav/shared/PUBLICATIONS/RECHERCHE/Scientifiques/Co-editions/Infrastructures%20africaines.pdf

(http://www.afdb.org/fileadmin/uploads/afdb/Documents/Project-and-Operations/White%20Paper%20on%20Sustainable%20Energy%20Projects%20in%20Africa.pdf)

http://www.euei-pdf.org/sites/default/files/files/field_pblctn_file/ecowas_baseline_report_fr.pdf

http://www.euei-pdf.org/sites/default/files/files/field_pblctn_file/ecowas_baseline_report_fr.pdf

Pour plus de détails: http://www.energyaccessafrica.org/index.php/fr/profil-pays/politiques-et-programmes (site pas encore mis à jour).

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