Interview publiée dans La Nation, mercredi 1er juillet 2015.
Article à retrouver en ligne ici.
Mawusé Kodjo Hountondji, directeur exécutif de l’ONG JVE Bénin: «La Société civile africaine attend beaucoup de la COP 21 de Paris»
L’ONG Jeunes Volontaires pour l’Environnement est une organisation qui intervient dans 25 pays et qui s’occupe des questions liées à la protection de l’environnement du développement intégré des jeunes. Son directeur exécutif, Mawusé Kodjo Hountondji est également membre du Réseau Climat et Développement qui rassemble 73 associations francophones qui travaillent à l’articulation entre changement climatique et développement. A travers cette interview, il se fait le porte-voix de l’ONG JVE Bénin et du Réseau Climat et Développement qui se mobilisent pour que la Conférence des parties sur les changements climatiques soit une réussite et que la France aide le Bénin et sa Société civile à jouer leur partition.
La Nation: Quelles sont les attentes de la Société civile africaine à la COP21 ?
Mawusé Kodjo Hountondji: Aujourd’hui, le Protocole de Kyoto a connu un coup d’arrêt, car devenu caduc depuis 2012. Il était prévu de négocier un nouvel accord de façon qu’à Paris, on dispose d’un nouveau régime climatique. Les attentes des OSC sont assez simples. Il faut que cet accord protège et renforce les droits humains et l’égalité des genres.
Ledit accord doit également financer la lutte contre les changements climatiques dans les pays les plus pauvres et les plus vulnérables. Il faut aller vers des modèles sobres et résilients en carbone.
L’accord doit de plus s’investir massivement dans l’accès aux services énergétiques durables. En excluant les centrales nucléaires, les thermiques qui sont de grosses consommatrices en fuel et en privilégiant les centrales solaires et hydro-électriques, il doit préserver la sécurité alimentaire et le climat en investissant dans l’agriculture familiale et agro écologique.
Quelle est la part de responsabilité des Pays les moins avancés comme le Bénin ?
Les Etats africains comme le Bénin doivent mettre en place des politiques sectorielles qui prennent en compte la dimension changement climatique de façon transversale à leur niveau.
Il y a ensuite l’atténuation. Nous ne pouvons plus continuer à nous développer avec les mêmes technologies qui ont sali les économies et créé des problèmes climatiques. On doit mettre des taxes pour contrôler et contrecarrer les industries très polluantes. Tout cela relève de la responsabilité souveraine des Etats.
Lorsque les Pays les moins avancés (PMA) joueront leur partition dans l’adaptation et l’atténuation, nous pourrons être fondés à réclamer que les autres fassent des efforts pour qu’ensemble, nous sauvegardions encore ce qui peut l’être.
Quels sont les mécanismes et instruments mis en place pour aider les PMA à s’adapter aux effets des changements climatiques?
Plusieurs mécanismes existent. Le mécanisme de planification des programmes nationaux d’adaptation. Il y a ensuite les financements à trouver au niveau du Fonds d’adaptation et du Fonds vert, en accréditant des projets qui peuvent recevoir des financements. Mais il faut faire attention à ne pas financer les fausses solutions.
Quel est l’impact des changements climatiques sur les conflits ?
Lorsque les bergers ne disposent plus de pâturage au Nigeria, ils passent au Nord Bénin, puis descendent au Centre où leur bétail va bientôt saccager les cultures. Ce qui engendre après des conflits, ajouté à la raréfaction de l’eau qui s’en suit. D’où l’importance, qu’il y a à atténuer ou s’adapter.
Les dirigeants mondiaux débattront-ils des options énergétiques durables pour l’Afrique et capables de réduire les émissions de gaz à effet de serre ?
Tel est notre souhait. Le Réseau Climat et Développement et l’ONG JVE Bénin ont une position claire : l’accès aux services énergétiques durables est une priorité pour tous et le développement économique et social. Le délestage nuit aux propriétaires des PME/PMI. Nous souhaiterions que nos Etats investissent dans les énergies renouvelables.
L’Afrique a besoin de 300 milliards pour fournir de l’électricité à tous. C’est une étude qui date de 2013. Les subventions pour la fourniture en énergies fossiles sont de l’ordre de 544 milliards de dollars. Si nous réduisons ces subventions au niveau mondial pour faire des économies et les réinvestir dans des centrales durables, ce serait intéressant. C’est cela le co-bénéfice efficacité énergétique et énergie renouvelable.
Quel devra être le rôle de la France et des délégations attendues dans la réussite de la COP 21 ?
C’est de jouer avec sa diplomatie qu’on reconnaît déjà assez active avec beaucoup de réseaux. La France doit tout faire pour ramener à la table de négociation, le Canada, la Chine, les Etats-Unis, l’Inde, l’Afrique du Sud, le Japon et tous ceux qui sont à couteaux tirés pour des questions économiques. Elle peut jouer un rôle important et à travers son réseau d’aide au développement, conduire vers de vraies solutions en ce qui concerne la promotion des énergies nouvelles et renouvelables. La France peut mettre son expertise à contribution des pays comme le Bénin pour les comités nationaux d’adaptation. Nous souhaitons que durant sa visite au Bénin, le président de la République française puisse aider le gouvernement béninois à intégrer clairement les questions des changements climatiques aux politiques sectorielles, aider notre pays à réaliser notre contribution nationale (ses INDC) qui doit être prête avant fin septembre prochain. Le Bénin a un problème d’expertise. Il faut que la France le soutienne comme elle le fait pour le Niger, le Togo et bien d’autres pays. Qu’elle soutienne également à travers ses agences déléguées la Société civile pour que cette dernière joue sa partition de contrôle de l’action dans ce domaine des changements climatiques.