Quels sont les grands enjeux en matière d’agriculture et de sécurité alimentaire en Afrique ? Comment ces sujets sont-ils traités dans l’agenda climat et dans le texte de négociations pour la COP21 ? Quelles sont les propositions du Réseau Climat & Développement en la matière ?
Pour une vision globale des enjeux liés à l’agriculture, la sécurité alimentaire et le climat, consulter en ligne ou télécharger la Note de decryptage du RC&D sur l’agriculture et la sécurité alimentaire.
Constats
L’agenda post-2015 va devoir prendre en compte la nouvelle donne climatique pour les futures politiques agricoles. Plus question que l’agriculture contribue à accroître les concentrations de gaz à effet de serre (GES) dans l’atmosphère et plus question que l’agriculture souffre chaque jour des aléas climatiques de plus en plus extrêmes. C’est pour répond
re à ces nouveaux défis que le réseau Climat & Développement appelle à un développement résilient et sobre en carbone à travers le soutien de l’agriculture familiale, garante de la sécurité alimentaire, de la souveraineté alimentaire des pays en développement et d’un développement respectueux de l’environnement.
Aujourd’hui, force est de constater que sur les 1.4 milliards de paysans qui nourrissent la planète, 1 milliard d’entre eux souffre de la faim quand autant de personnes surconsomment de la nourriture. En outre, 80% de ceux qui souffrent de la faim vivent en zone rurale. Paradoxalement l’augmentation du rendement des cultures agricoles n’a pas permis d’enrayer la faim ni l’insécurité alimentaire.
La pression des changements climatiques sur l’agriculture ajoute un obstacle supplémentaire à la réalisation de la souveraineté alimentaire des communautés vulnérables, et parmi celles-ci les pays d’Afrique subsaharienne et la région du Sahel sont particulièrement impactés. En dépit de l’urgence des crises climatique et alimentaire, on observe le développement de politiques qui menacent le capital environnemental, climatique et socioéconomique des pays en développement. On constate :
- Le développement accéléré d’une mono-agriculture industrielle et intensive principalement destinée à l’exportation de matières premières alimentaires ou énergétiques. Ce modèle agricole, dépendant d’intrants (engrais et pesticides) polluants et coûteux se révèle nuisible sur l’environnement tout en étant en définitive incapable de nourrir la planète et notamment les communautés les plus pauvres.
- Le développement de l’agriculture intensive coïncide avec celui de pratiques émettrices de Gaz à Effet de Serre et sources d’appauvrissement des sols et de la biodiversité.
- Le développement du phénomène d’accaparement des ressources agricoles et des terres se fait au détriment d’une agriculture paysanne et vivrière et des populations qui en vivent.
- Enfin la promotion des OGM comme une des solutions pour augmenter la production et la résilience des cultures dans le contexte de la pression climatique contribue à la disparition des patrimoines locaux (semences locales, pratiques endogènes) et à une dépendance accrue des paysans aux industries semencières et aux prix des marchés internationaux
Des facteurs aggravants : la volatilité des prix et les changements climatiques. Il y a plusieurs facteurs qui encouragent la promotion de modèles agricoles non durables et sont de fait un obstacle au développement de l’agriculture familiale qui est pourtant un facteur clef de sécurité alimentaire. La surconsommation au Nord, la pression démographique, les changements climatiques et les règles du marché international des denrées alimentaire exercent une pression sur les modèles agricoles et encouragent le développement de modes de production non durables et inéquitables, au détriment de l’agriculture vivrière.
Par ailleurs, on constate une baisse notable de financements publics affectée à l’agriculture. L’Aide Publique au Développement a baissé de 20% à 4% et les dépenses publiques dans les pays en développement ont chuté et représentent 7% seulement de budget national en moyenne.
Vers une agriculture adaptée au changement climatique et aux besoins locaux
Aujourd’hui plus que jamais, dans le contexte de crise climatique qui est le nôtre, et au regard de ses impacts sur la production agricole, il est primordial d’assurer la sécurité et la souveraineté alimentaire des pays en développement et de leurs communautés les plus vulnérables. Les enjeux sont multiples : il faut anticiper les impacts futurs du changement climatique et la finitude des énergies fossiles, protéger l’environnement, le patrimoine génétique agricole local et la biodiversité. Et ce, en permettant le développement d’une activité socioéconomique locale et durable en vue de l’augmentation des revenus des communautés, notamment en zone rurale : les efforts doivent être déployés principalement en faveur des petits agriculteurs, garants de la durabilité et viabilité du territoire.
Solutions
Il existe des solutions et bonnes pratiques au niveau des communautés. Celles-ci doivent inspirer les politiques internationales.
L’agriculture familiale représente un modèle agricole résilient au changement climatique, adapté aux besoins alimentaires locaux et ainsi garant de la souveraineté et la sécurité alimentaire. En effet, les agricultures familiales jouent un rôle essentiel en termes de sécurité alimentaire et de développement rural. Elles produisent jusqu’à 80% des aliments consommés dans certains pays en développement et constituent un pilier essentiel de l’aménagement des terroirs et de la stabilité sociale. Face à des conditions de production souvent contraignantes, y compris les aléas du climat, les familles paysannes ont toujours eu à s’adapter.
Les pratiques d’agroécologie visent la mise en place de systèmes agricoles productifs, durables et économes, valorisant au mieux les ressources locales, avec un recours minimal aux intrants chimique. Les actions cohérentes mises en place pour la maîtrise du milieu, la gestion rationalisée d’eau, la conduite des cultures et l’intégration avec l’élevage, concourent à une meilleure résilience des exploitations familiales aux aléas du climat : les exploitations sont plus diversifiées, moins dépendantes des approvisionnements extérieurs, et le pouvoir tampon du milieu est restauré et utilisé.
La préservation du patrimoine génétique africain. Il s’agit d’un bien commun, vecteur de souveraineté semencière, alimentaire et souvent médicinale, d’autosuffisance, et source de revenus. Cette préservation implique notamment de lutter contre le développement excessif et mal-informé des OGM en Afrique : a) par la diffusion d’information sur les avantages et inconvénients des OGM, les coûts associés au choix des OGM, et b) dans certains cas, par des moratoires. Il s’agit par ailleurs de valoriser les semences locales les plus résilientes aux changements climatiques en créant des banques de semences.
Lire nos recommandations Pour une agriculture adaptée au changement climatique
En savoir plus sur l’atelier de JVE Côte d’Ivoire sur agriculture et OGM
Au titre de la course internationale aux ressources naturelles et agricoles, les terres fertiles d’Afrique sont vendues aux plus offrants, au détriment des paysans qui cultivent ces terres, de l’agriculture vivrière et de la sécurité alimentaire.
Il faut mettre fin aux politiques qui autorisent l’accaparement des terres et menace l’agriculture familiale garante de la souveraineté alimentaire.
Les transactions foncières peuvent créer des opportunités (débouchés garantis, emplois, infrastructures et hausse de productivité agricole), si elles sont transparentes et protègent ceux qui travaillent la terre et assurent la sécurité alimentaire locale.
Lire nos recommandations Contre l’accaparement des terres
600 millions de personnes supplémentaires souffriront de la faim d’ici 2080 en raison des changements climatiques, si nous maintenons nos émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) au niveau actuel, selon le PNUD.
Dégradation des terres, destruction des récoltes, salinisation des cours d’eau, réduction des terres fertiles et des zones de pâturage, fréquence et intensité accrues des inondations et des sécheresses : les impacts des changements climatiques nuisent aux quatre piliers de la sécurité alimentaire – disponibilité, accès, stabilité et utilisation.
Sans réel effort d’adaptation, les capacités de production et les moyens d’existence des populations sont sérieusement menacés. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) anticipe une réduction des rendements des principales cultures (blé, riz, maïs…) de 2 % chaque décennie. Les changements climatiques réduiront l’accès à l’alimentation et sa qualité et risquent d’aggraver la prévalence des maladies infectieuses à transmission vectorielle : ainsi, 5 à 6 milliards de personnes soit 50 à 60% de la population mondiale seront exposées à la dengue d’ici 2085, entraînant un affaiblissement du statut nutritionnel. Pourtant, ces questions restent très peu discutées dans le cadre des négociations internationales sur les changements climatiques. Lutter contre les impacts des changements climatiques et lutter contre la faim relèvent du même effort, du même impératif et de la même urgence.
Le RC&D est co-signataire, avec de nombreuses organisations de la société civile, de l’Appel des sociétés civiles pour lutter contre la faim et les changements climatiques.
Lire les recommandations portées par le RC&D, Action contre la Faim, le CCFD-Terre Solidaire, Le Secours Catholique Caritas France, CARE, Acting for Life et UNICEF pour « Créer un climat contre la Faim » dans les négociations internationales sur le climat.