A l’occasion du G7, l’Africa Progress Panel sort un rapport, sous l’égide de Koffi Annan, intitulé « Power People Plant. Seizing Africa’s energy and climate opportunities ».
Ce rapport montre que l‘Afrique peut devenir un leader dans la lutte contre les changements climatiques et qu’elle a tout à y gagner. Alors que certains pays Africains ont déjà pris le chemin d’un développement résilient et sobre en carbone : l’Ethiopie, le Ghana, le Kenya, le Nigeria ou encore l’Afrique du Sud par exemple, d’autres restent en marge de la dynamique car encouragés par les entreprises du Nord et leurs états dans les investissements d’énergies polluantes (en particulier le charbon) et sans aucun avantage socio-économique pour les populations africaines.
L’Africa Report Progress 2015 confirme une fois encore que 600 000 africains meurent chaque année du fait de la pollution engendrée par l’utilisation de biomasse pour la cuisson et de l’absence de technologie efficace de cuisson ; que 4/5 de la population d’Afrique sub-saharienne dépendent de la biomasse et du charbon pour la cuisson des aliments ; que malgré une augmentation du PIB des habitants passant de 5 à 6% ces dix dernières années, l’accès à l’électricité reste insignifiant (620 millions d’africains sans électricité). Pour la portion qui dispose de ces services énergétiques, la facture est exorbitante parce qu’il s’agit pour la plupart de systèmes très centralisés et de ce fait inadéquats pour la majeure partie de la population, en particulier en milieu rural limitant les investissements pour le développement d’initiatives de productions locales à moindre coût et limitant ainsi l’atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté.
Le monde entier sera perdant si l’on n’arrive pas limiter l’augmentation de température en-deçà de 2°C, mais l’Afrique y perdra plus que tous les autres alors même qu’elle est la moins responsable des changements climatiques.
L’année 2015 est pleine d’opportunités politiques qui lient énergie, pauvreté et développement : La conférence sur les financements du développement d’Addis Abeba en juillet, celle sur les Objectifs du Développement Durable en septembre, la COP21 en décembre.
C’est une vraie opportunité pour l’Afrique d’orienter ses politiques vers le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique qui permettront à la fois de renforcer les investissements en Afrique, d’atteindre les objectifs d’accès à l’énergie pour tous ou encore de renforcer le secteur agricole et la sécurité alimentaire, par exemple à travers les systèmes d’irrigation autonomes, les infrastructures de stockage des récoltes adaptées aux conditions climatiques, les processus de transformations et le transport…etc. C’est également une opportunité pour l’Afrique dans le sens où la transition énergétique permettra au monde d’éviter la trajectoire très carbonée prise par les pays industrialisés et les émergents et de laquelle ils doivent également se détourner. Mais il faut des financements nécessaires au pays pauvres pour mettre en œuvre leurs politiques énergétiques.
Ces politiques doivent permettre de :
- Améliorer la collecte des taxes et charges en matière d’énergie tout en prenant garde à ne pas pénaliser les plus pauvres
- Rediriger les subventions aux énergies fossiles (21 milliards de dollars en Afrique), qui renforcent les inégalités, vers les infrastructures énergétiques, l’accès aux services énergétiques durables pour tous et la protection sociale.
- Mettre fin à l’hémorragie financière que subit l’Afrique via l’évasion fiscale et les transferts financiers illicites
- Faire appel, de manière précautionneuse, aux marchés obligataires.
La COP21 doit permettre de faire émerger une vision positive et partagée des synergies entre la protection du climat et les opportunités économiques associées à la transition vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Il est également indispensable que les objectifs-climats des pays du Nord soient bien annoncés et que les financements pour aider les pays les plus pauvres soient bien soulignés. L’heure n’est plus aux objectifs sans ambition comme le cas du Japon, qui ambitionne un mix énergétique en 2030 reposant sur l’investissement dans le nucléaire et les centrales à charbon plutôt que dans les énergies renouvelables.
Que doit-il se passer dans les négociations sur le climat pour engager cette transition vers les énergies renouvelables ?
Un investissement massif et durable dans l’accès aux services énergétiques durables pour tous. Les bailleurs peuvent et doivent accompagner les Etats et les Régions dans le développement de stratégies énergétiques et de programmes d’accès aux services énergétiques durables bénéficiant à l’ensemble de la population, notamment dans les secteurs sociaux et productifs, en favorisant le développement de filières locales efficaces et faisant appel aux énergies renouvelables.
La prise en compte effective des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique dans les négociations sur le climat : Les énergie renouvelables et l’efficacité énergétique sont quasi absentes du texte jusqu’à l’heure actuelle alors que l’atteinte des objectifs de réduction des GES et l’accès à l’énergie pour tous ne peuvent se faire sans une transition énergétique.
La fin des subventions directes et indirectes aux énergies fossiles dans le monde, en commençant par celles versées par les pays les plus riches. Investir aujourd’hui dans les énergies fossiles enferme les pays les moins avancés, et notamment l’Afrique, dans une dépendance coûteuse, nuisible pour la santé et l’environnement et qui n’est pas à même de répondre aux besoins des populations locales.
Une forte montée en puissance des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique via
- la disponibilité de soutiens financiers et techniques aux pays en développement par les pays développés
- l’élimination des barrières financières technologiques, institutionnelles et juridiques pouvant entraver le déploiement des technologies de l’énergie renouvelable
- le développement de mécanismes d’incitation tel que les tarifs d’achat.
L’adoption de principes et critères de sélection et de reporting via un système MRV efficace et transparent pour les initiatives inscriptibles dans l’agenda des solutions. Toutes les initiatives en matière d’énergie ne se valent pas. Les solutions doivent notamment permettre une vraie réduction des émissions de GES et/ou un développement résilient et sobre en carbone, ne pas générer d’accaparement des terres et respecter les droits humains, environnementaux et sociaux. Elles doivent également s’inscrire dans une logique d’appropriation nationale, être adaptées au contexte local et permettre d’améliorer les capacités d’adaptation des populations vulnérables tout en stimulant la création d’emplois.
L’inclusion dans les contributions nationales (iNDC) des pays en développement des politiques et objectifs de déploiement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, des efforts faits pour qu’ils répondent aux besoins des plus pauvres, des besoins financiers nécessaires et des efforts de redirection des subventions aux énergies fossiles vers les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique.
Le Gabon et le Maroc sont les premiers pays africains et parmi les premiers pays dans le monde à avoir soumis leur contribution nationale. La contribution du Gabon développe des politiques sectorielles et indique les ressources financières à mobiliser, à niveau national et international. Quant au Maroc, il s’est engagé à réduire ses émissions d’au moins 13% en 2030 par rapport à 2010 et à consacrer 10 milliards de dollars à la lutte contre le changement climatique. La contribution précise que cet objectif pourra atteindre jusqu’à -32% si le Maroc a accès à des financements climat internationaux (besoins estimés 35 milliards de dollars).
- Il est crucial que les autres pays en développement présentent également leur iNDC avant la COP21. Dans le cas contraire, ils risqueraient de ne pas pouvoir accéder aux financements climat.
- L’assistance technique est également indispensable pour aider les pays les moins avancés à atteindre cet objectif de finalisation des iNDC. Les pays du Nord doivent accompagner ce processus dans les pays en développement.
Retrouvez la Déclaration de Paris qui reprend l’ensemble des recommandations du RC&D en vue de la COP21.